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La nature invariable de l’action fondée sur un trouble anormal de voisinage et, par corollaire, son délai de prescription

Civil - Responsabilité, Immobilier
26/02/2020
Par un arrêt du 16 janvier 2020, la troisième chambre civile résout la question de la nature de l’action introduite sur le fondement de la théorie des troubles anormaux de voisinage.
À la suite de la réalisation de travaux de construction, des dégâts ont été occasionnés à des propriétés voisines. Les propriétaires de ces dernières sollicitent alors une indemnisation sur le fondement de la théorie des troubles anormaux de voisinage. Les immeubles en question furent, en effet, impactés par la décompression du terrain due aux activités de démolition préalables à la construction des lotissements nouveaux.

La chronologie des faits de l’espèce est ici importante. La consolidation des dommages causés aux immeubles a été fixée à la date du 31 juillet 2001, après une première expertise ordonnée le 9 février 2000. Une autre expertise fut demandée le 12 septembre 2008 mais rejetée. Ce n’est que par trois actes datant d’octobre et de novembre 2011 que les propriétaires assignent l’ensemble des constructeurs et de leurs assureurs en indemnisation.

Les demandeurs au pourvoi – les propriétaires – reprochent à la cour d’appel d’avoir déclaré prescrites leurs demandes et avancent comme moyen la nature même de l’action fondée sur un trouble anormal de voisinage. En effet, si la nature de l’action est réelle et immobilière, la prescription est de trente ans ; le cas échéant, l’action se prescrit par dix s’il s’agit d’une action en responsabilité civile extra-contractuelle. On notera au passage que la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 (JO 18 juin) portant réforme de la prescription en matière civile a réduit le délai de droit commun à cinq ans. Quid des actions engagées avant cette date ? Elles demeurent soumises au droit antérieur, à condition que le délai restant à courir à partir de l’entrée en vigueur de la loi ne dépasse pas cinq ans. De sorte qu’en retenant la date de consolidation le 31 juillet 2001, toute action sur ce fondement sera prescrite le 31 juillet 2011. L’enjeu de la qualification de l’action devient alors évident. En outre, et à défaut de la qualification de leur action de réelle et immobilière, les demandeurs cherchaient à se prévaloir du délai décennal prévu à l’article 1792-4-3 du Code civil.

Les juges du Quai de l’Horloge rejettent le pourvoi. Ils estiment que « d'une part, qu'ayant retenu à bon droit que l'action en responsabilité fondée sur un trouble anormal du voisinage constitue, non une action réelle immobilière, mais une action en responsabilité civile extra-contractuelle soumise à une prescription de dix ans en application de l'article 2270-1, ancien, du Code civil, réduite à cinq ans à compter de l'entrée en vigueur de l'article 2224 du Code civil dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, le délai restant à courir à compter de l'entrée en vigueur de ce texte étant inférieur à cinq ans, et constaté, sans dénaturation du rapport d'expertise, que les désordres s'étaient stabilisés une fois les travaux de consolidation réalisés le 31 juillet 2001 sans aggravation ultérieure démontrée, la cour d'appel en a exactement déduit que le délai de prescription expirait le 31 juillet 2011, de sorte que l'action engagée le 25 octobre 2011 était prescrite ». Et « d'autre part, que la cour d'appel a retenu à bon droit que l'action de l'article 1792-4-3 du Code civil, réservée au maître de l'ouvrage, n'est pas ouverte aux tiers à l'opération de construction agissant sur le fondement d'un trouble du voisinage ».
 
En d’autres termes, une action engagée sur le fondement des troubles anormaux de voisinage constitue toujours une action en responsabilité extra-contractuelle et non une action immobilière réelle. Par corollaire, le délai de prescription applicable est de cinq ans.

Le choix d’opter pour la nature civile extra-contractuelle de l’action se comprend aisément si on garde à l’esprit la volonté, déjà à maintes reprises affichée par la Cour, d’uniformiser les délais de recours et d’en finir avec la cacophonie qui l’affectait avant la réforme. En cela, ce choix peut être salué.
Source : Actualités du droit