Retour aux articles

Découverte de lingots d’or enfouis : pas de droits pour les nouveaux propriétaires du fonds

Civil - Personnes et famille/patrimoine
13/06/2018
Dans un arrêt rendu le 6 juin 2018, la première chambre civile de la Cour de cassation rappelle que les nouveaux propriétaires d’une maison qui ont trouvé des lingots d’or enfouis, appartenant aux anciens propriétaires, ne peuvent pas en revendiquer la propriété.
En l’espèce, un couple avait acquis une maison, et découvert enfouis dans le jardin plusieurs lingots d’or. Les héritiers des anciens propriétaires de la maison, décédés en cours d’instance, revendiquant la propriété du trésor trouvé, ont assigné le couple en restitution et indemnisation. La cour d’appel ayant donné raison aux héritiers, les nouveaux propriétaires de la maison forment un pourvoi en cassation.

Différence avec le « trésor »

Les requérants invoquaient en premier lieu l’article 716 du Code civil, selon lequel « la propriété d'un trésor appartient à celui qui le trouve dans son propre fonds ». Selon eux, les lingots trouvés étaient donc un trésor, trouvé par hasard, sur lequel ils pouvaient revendiquer un droit de propriété.

Sur ce point, la Cour de cassation rappelle que le deuxième alinéa de l’article invoqué précise que « le trésor est toute chose cachée ou enfouie sur laquelle personne ne peut justifier sa propriété, et qui est découverte par le pur effet du hasard ». Conformément à cet article, et à la jurisprudence en découlant, il est établi que le « trésor » ne peut être qu’un bien sur lequel nul ne peut justifier d’un droit de propriété.

En l’espèce, si les lingots ont bien été découverts par hasard, leur propriété est cependant susceptible d’être établie par les héritiers des anciens propriétaires du fonds, qui apportent des éléments en ce sens. Les nouveaux propriétaires ne peuvent donc pas se baser sur cet article pour revendiquer un droit de propriété sur les lingots.

Pas de prescription acquisitive

Les requérants invoquaient en second lieu l’article 2276 du Code civil, selon lequel « en fait de meubles, la possession vaut titre ». Le second alinéa de cet article prévoyant un délai de prescription de trois ans afin de revendiquer la propriété d’une chose perdue ou volée, les requérants soutenaient que, ce délai étant dépassé lors de l’introduction de l’action des anciens propriétaires, ils n’étaient plus fondés à réclamer leurs biens.

Les requérants déclaraient être entrés en possession des lingots de bonne foi, en signalant la découverte à la police, la mairie et la Banque de France, de sorte qu'ils remplissaient bien les conditions pour se prévaloir de l'effet acquisitif de propriété de la possession mobilière. Ils affirmaient en outre remplir les conditions d'une possession paisible, publique et non équivoque, valant titre et leur conférant la qualité de propriétaires.

Sur ce point encore, la cour d’appel avait écarté la fin de non-recevoir, et avait affirmé que les requérants ne pouvaient prétendre à aucun droit sur les lingots et les sommes provenant de leur vente. Elle les avait condamnés à restituer aux héritiers des anciens propriétaires le produit de la vente d'une partie des lingots et à leur remettre le surplus des lingots litigieux, ainsi qu'à leur verser une certaine somme au titre des frais de transport de ces biens.

Imprescriptibilité du droit de propriété

La Cour de cassation confirme cette décision de la cour d’appel. Elle estime que « celui qui découvre, par le pur effet du hasard, une chose cachée ou enfouie a nécessairement conscience, au moment de la découverte, qu'il n'est pas le propriétaire de cette chose, et ne peut être considéré comme un possesseur de bonne foi ». Ainsi, selon la Haute cour, cette personne ne peut se prévaloir des dispositions de l'article 2276 du Code civil pour faire échec à l'action en revendication d'une chose ainsi découverte.

La cour ajoute que, conformément à l'article 2227 du Code civil, « le droit de propriété est imprescriptible », et l’action des héritiers n'est donc pas susceptible de prescription. Dès lors, la cour d’appel a retenu à bon droit que, d’une part, l’article 2276 n’était pas applicable en l’espèce et, d’autre part, que les héritiers pouvaient librement rapporter la preuve qu’ils étaient propriétaires des biens trouvés.
Source : Actualités du droit