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Fraude au faux conseiller bancaire : une illustration de la négligence grave

Affaires - Banque et Finance
Civil - Bien et patrimoine
12/09/2025

La multiplication des fraudes bancaires pousse les juridictions à préciser les contours de la responsabilité des victimes et des établissements financiers. Une récente décision du Tribunal de proximité apporte un éclairage utile sur la caractérisation de la négligence grave dans l’hypothèse particulière de la fraude dite « au faux conseiller bancaire ».

Un mode opératoire désormais bien connu

Le stratagème repose sur une mise en scène destinée à inspirer confiance. Le client est contacté par téléphone par un individu se présentant comme un membre du service de sécurité ou de lutte contre la fraude de sa banque.

Le fraudeur explique avoir détecté une opération suspecte et demande au client de réaliser immédiatement certaines démarches pour « sécuriser » son compte : transmission d’un code de validation reçu par SMS, modification d’un mot de passe, ajout d’un bénéficiaire, voire augmentation des plafonds de paiement.

En suivant ces instructions, la victime croit empêcher une fraude alors qu’elle en devient, malgré elle, l’acteur.

Le cadre légal : l’article L. 133-19 du Code monétaire et financier

Le régime applicable aux opérations de paiement frauduleuses repose sur une règle simple : la banque doit rembourser son client des sommes débitées sans autorisation. Ce principe souffre deux exceptions. Le remboursement n’est pas dû lorsque le client a agi de manière frauduleuse ou lorsqu’il a commis une négligence grave dans la conservation de ses données de sécurité personnalisées.

La notion de négligence grave est appréciée strictement par les juges. Elle suppose une faute d’une particulière gravité, dépassant la simple imprudence.

L’apport de la décision commentée

Dans l’affaire jugée, la victime avait accepté d’augmenter ses plafonds de paiement à l’étranger et validé une opération au moyen d’un code reçu par SMS. Ces démarches avaient été effectuées suite à un appel provenant d’un téléphone mobile et sous l’injonction d’un interlocuteur inconnu.

Le tribunal a estimé que ces circonstances constituaient des signaux d’alerte évidents. La réception d’un SMS de sécurité, la demande inhabituelle d’augmenter des plafonds et le fait que l’appel ne provienne pas d’une ligne officielle auraient dû éveiller la vigilance de l’utilisateur.

En validant néanmoins l’opération, le client a adopté un comportement qualifié de négligence grave. La banque a donc été exonérée de son obligation de remboursement.

Un enseignement pratique pour les usagers

Cette décision rappelle l’importance de la vigilance des titulaires de comptes bancaires. Les tribunaux considèrent que certaines situations doivent alerter immédiatement le client et l’inciter à refuser toute action demandée.

La jurisprudence tend ainsi à renforcer la responsabilité des utilisateurs de services de paiement. Chaque consommateur doit être conscient que la transmission de codes ou l’exécution d’instructions inhabituelles, même sous prétexte de sécurité, peut être analysée comme une acceptation consciente d’un risque.

La lutte contre la fraude bancaire repose donc sur une double exigence : la diligence des établissements financiers, mais aussi la prudence active de leurs clients.

En conclusion, cette décision illustre la manière dont la notion de négligence grave se concrétise dans le cadre des fraudes au faux conseiller bancaire. Elle confirme que les victimes ne bénéficient pas d’un droit automatique au remboursement et qu’elles doivent, elles aussi, adopter une attitude vigilante face à des sollicitations suspectes.