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Esquisse du programme d’Eric Dupond-Moretti, nouveau garde des Sceaux

Pénal - Vie judiciaire
07/07/2020
Éric Dupond-Moretti a été nommé garde des Sceaux le 6 juillet 2020, en remplacement de Nicole Belloubet. Indépendance de la Justice, secret professionnel des avocats, situation pénitentiaire, présomption d’innocence etc. Le point sur les grandes lignes du programme du tout nouveau ministre de la Justice.
Il va falloir s’y faire : ne plus appeler « Maître » cet avocat tonitruant, mais « Monsieur le Ministre ». « Dans quelques instants, je mettrai entre parenthèses mon métier d’avocat », déclarait ainsi Éric Dupond-Moretti, nouveau garde des Sceaux, lors de sa passation de pouvoir du 7 juillet 2020. Une chose est sûre, de par sa longue pratique des prétoires, le célèbre avocat sait déjà bien que « la justice peut être améliorée ». Mais il a un objectif : « garder le meilleur et changer le pire ».
 
Les dossiers qui attendent le garde des Sceaux ne manquent pas : justice des mineurs, violences faites aux femmes, encellulement individuel, révision constitutionnelle, réforme des retraites pour les avocats, etc.
 
Éric Dupond-Moretti a listé en quelques lignes les grands axes de son mandat :
Nicole Belloubet a rappelé, lors de son discours de passation, d’autres chantiers non aboutis. Parmi ceux-ci, la mission Perben sur l’avenir de la profession d’avocat (v. Retraite : les avocats obtiennent une revalorisation significative de l’aide juridictionnelle, Actualités du droit, 28 févr. 2020) mais aussi la juridiction environnementale et le droit pénal de l’environnement (v. Protection de l’environnement : des paroles aux actes ?, Actualités du droit, 12 févr. 2020 et v. Parquet européen et justice pénale spécialisée : peu de modifications par le Sénat en matière de justice environnementale, Actualités du droit, 26 févr. 2020).
 
 
Rappelons qu’actuellement et jusqu’aux vacances parlementaires, 15 textes sont débattus par le Parlement (v. Session extraordinaire du Parlement : 15 textes au programme, Actualités du droit, 16 juin 2020). Parmi eux, plusieurs touchent au monde de la Justice :
- le projet de loi relatif à la bioéthique ;
- la proposition de loi visant à protéger les victimes de violences conjugales ;
- la proposition de loi instaurant des mesures de sûreté à l'encontre des auteurs d'infractions terroristes à l'issue de leur peine ;
- la proposition de loi visant à homologuer des peines d'emprisonnement prévues en Nouvelle-Calédonie.
 
 
Un message pour toute la « famille judiciaire »
Le programme est ambitieux mais le nouveau ministre a tenu à « adresser un message bienveillant à toute la famille judiciaire », soulignant à plusieurs reprises qu’il ne mène « de guerre à personne ».
 
N’étant pas un homme politique, mais plutôt « un homme de la société civile, je devrais même dire de la société pénale », Éric Dupond-Moretti affirme qu’il sera « le garde des Sceaux du dialogue » acceptant « la contradiction dont j’ai toujours été un fervent défenseur ».
 
 
Une nomination qui ne fait pas l’unanimité
Il est vrai que sa nomination a fait réagir de nombreux professionnels. Alors que Nicole Belloubet soulignait la nécessité d’avoir une « communauté judiciaire unie dans toutes ses composantes », les avis sont partagés.
 
Les avocats voient dans la nomination du célèbre avocat pénaliste un signe d’encouragement. Christiane Féral-Schuhl, présidente du Conseil national des barreaux, déclarait notamment : « J’y vois et j’en espère un signe d’apaisement avec les avocats et un signal fort pour la réhabilitation des libertés publiques. Place aux actes désormais ! ». Le Syndicat des avocats de France, « veut, pour sa part, voir dans la nomination d’un confrère qui a toujours défendu les libertés, l'oralité et la place de l'avocat dans le procès et qui a participé au combat contre la réforme des retraites un signe encourageant ».
 
Du côté des magistrats, le son de cloche est un peu différent. Alors que l’Union syndicale des magistrats (USM) dénonce « une déclaration de guerre à la magistrature » (AFP, 6 juill. 2020), le Syndicat de la magistrature pose « deux préalables impérieux à l’exercice de ses fonctions » :  
Quoi qu’il en soit le ministre de la Justice l’assure : « la parole est aux actes » et donne un signal fort en se rendant, pour son premier jour de mandat, dans une prison française (au centre pénitentiaire de Fresnes précisément). À suivre…
 
Source : Actualités du droit