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Déplafonnement du loyer du bail renouvelé : un plafonnement constitutionnel

Civil - Immobilier
10/05/2020
La règle issue de l’article L. 145-34 du Code de commerce selon laquelle le loyer de renouvellement ne peut varier de plus de 10 % du loyer acquitté au cours de l'année précédente est conforme à la Constitution mais n’étant pas une règle d’ordre public, les parties peuvent y déroger.
Rappelons que l'article L. 145-34 du Code de commerce prévoit que, à moins d'une modification notable des éléments de détermination de la valeur locative qui sont mentionnés aux 1° à 4° de l'article L. 145-33 du même code, le loyer de renouvellement des baux commerciaux dont la durée n'est pas supérieure à neuf ans est plafonné.
Et en cas de modification notable des éléments de détermination de la valeur locative (C. com., art. L. 145-33, 1° à 4° : caractéristiques du local considéré, destination des lieux, obligations respectives des parties, facteurs locaux de commercialité et prix couramment pratiqué dans le voisinage) ou s'il est fait exception aux règles de plafonnement en raison d’une durée contractuelle supérieure à neuf ans, la variation de loyer qui en découle ne peut conduire à des augmentations supérieures, pour une année, à 10 % du loyer acquitté au cours de l'année précédente (C. com., art. L. 145-34, dern. al., issu de L. n° 2014-626, 18 juin 2014, JO 19 juin).

La société requérante soutenait que ces dispositions portent atteinte au droit de propriété du bailleur. Elle fait valoir que cette limitation de l'augmentation du loyer lors du renouvellement du bail ne serait justifiée par aucun motif d'intérêt général et pourrait avoir pour effet d'imposer un niveau de loyer fortement et durablement inférieur à la valeur locative du bien, entraînant ainsi une perte financière importante pour le bailleur.

Répondant sur ce point à une question prioritaire de constitutionnalité (QPC), le Conseil constitutionnel rappelle qu’il est loisible au législateur d'apporter aux conditions d'exercice du droit de propriété des personnes privées, protégé par l'article 2 de la DDHC, des limitations liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par l'intérêt général, à la condition qu'il n'en résulte pas d'atteintes disproportionnées au regard de l'objectif poursuivi.

Le Conseil constitutionnel reconnaît que ces dispositions, empêchant le bailleur de percevoir, dès le renouvellement de son bail et le cas échéant jusqu'à son terme, un loyer correspondant à la valeur locative de son bien lorsque ce loyer est supérieur de 10 % au loyer acquitté lors de la dernière année du bail expiré, portent atteinte au droit de propriété.

Toutefois, ajoute-t-il en premier lieu, en adoptant ces dispositions, le législateur a entendu éviter que le loyer de renouvellement d'un bail commercial connaisse une hausse importante et brutale de nature à compromettre la viabilité des entreprises commerciales et artisanales. Il a ainsi poursuivi un objectif d'intérêt général.

En deuxième lieu, les dispositions contestées permettent au bailleur de bénéficier, chaque année, d'une augmentation de 10 % du loyer de l'année précédente jusqu'à ce qu'il atteigne, le cas échéant, la nouvelle valeur locative.

Enfin, les dispositions contestées n'étant pas d'ordre public, les parties peuvent convenir de ne pas les appliquer, soit au moment de la conclusion du bail initial, soit au moment de son renouvellement (v. déjà, Cass. 3e civ., 9 mars 2018, n° 17-70.040).
En conséquence, le dernier alinéa de l'article L. 145-34 du Code de commerce, qui ne méconnaît aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doit donc être déclaré conforme à la Constitution car ne portant pas une atteinte disproportionnée au droit de propriété.
Source : Actualités du droit